Pastiche de Delerm: Descente à skiAvez-vous déjà imaginé un hiver sans faire du ski ? Impossible. On est souvent entouré d’immenses montagnes telles un berceau, protecteur et magnifique. Blanches et pures. Grâce aux remonte-pentes, on gravit ces murs interdits. On découvre alors un autre paysage plus magnifique encore.
Avez-vous déjà imaginé un hiver sans cette sensation de vitesse? On se sent invulnérable, enivré par ces immenses courbes et ces tourbillons de neige. On a l’impression de voler, surtout lorsqu’on se perd dans ses souvenirs et qu’on se déconcentre, il arrive des moments où l’on vole vraiment. Durant un instant, on ne sent plus la neige sous nos skis et soudain on la sent à nouveau, mais si dure comparé à l’instant d’avant… Notre visage virant lentement au violet on continue notre descente.
On croise alors des personnes apprenant ce sport merveilleux. On a un peu pitié d’eux mais on ne peut pas s’empêcher de leur passer juste devant, afin de leurs montrer que nous, on sait skier. On se rappelle nos débuts, mais très vite, on se reconcentre sur la piste.
Arrive l’instant où notre estomac nous ramène à la réalité. Les restaurants d’altitude… Rien qu’en montant les quelques marches pour y accéder, on a tous l’air ridicule. Et dedans c’est encore pire, tels des petits enfants apprenant à marcher, on arrive péniblement au comptoir. Commence alors l’interminable queue qui se termine par une action impardonnable: vider entièrement notre porte-monnaie.
Puis on retourne dans notre merveilleux univers. Mais arrive l’inévitable, la glace. Souvent imperceptible à l’œil nu, on ne voit le danger qu’au dernier moment. Surprise et peur nous assaillent. Avant d’avoir pu esquisser un mouvement, on l’a déjà dépassée. Mais pas pour les moins chanceux.
On continue la descente de plus en plus attentif. Et finalement arrive la fin du bonheur, on se sent à nouveau très petit comparé à ces sièges volants.
Pastiches de Ponge: Ma lampeUn arbre fort chétif, doté d’une seule et unique fleur resplendissante de clarté.
Cet arbre est creusé de l’intérieur par une file de fourmis, mais n'est pas faible pour autant.
Ses feuilles reflétent les premiers rayons du soleil et tout son tronc brille dans la rosée du matin.
Perdu dans un immense fouillis de feuilles qui tapissent le sol durant l’automne, il nous ébloui encore plus par sa beauté en hiver.
Au printemps, les fourmis le laissant seul, il s’éteint doucement.
En été, tristement, il est abandonné de tous, puisque les habitants de la forêt chantent au soleil.
Le saxophoneD’une forme souple et élégante, il est entouré d’une immense armature. Il est le plus souvent couché, entouré d’un moelleux duvet épousant parfaitement sa forme. Lorsqu’on le sort de ce nid, il change considérablement.
Avant chétif et timide, il devient maintenant grandiose et royal.
Désormais, entièrement libéré, il reflète merveilleusement la lumière, la projetant aux alentours en d’innombrables petits points lumineux dansant avec la musique. Il peut néanmoins devenir l’ennemi de vos tympans s’il est manié par une mauvaise bouche. Mais dans le cas contraire, il vous remplira de merveilles et de délicieux souvenirs
Pastiche de Michaux: Le coup de poingUne décharge d’énergie, chargée de haine, voilà ce qu’est un coup de poing. Mais pour celui qui est la victime de notre courroux, cette énergie se transforme en matière impitoyable, pantin de notre volonté. On ne réfléchi pas, on veut juste faire mal. On veut juste que nos poings rentrent en contact avec cette victime à défigurer. On s’imagine que ça va nous soulager, mais ça condamne inévitablement. C'était la fois de trop. Cela devient une drogue. On aimerait entendre ce bruit plus souvent et ressentir cette énergie si galvanisante. Rien ne nous arrête. Cela devient pitoyable, lorsque notre fureur atteint son summum mais que le seul adversaire possible est un mur ou un objet quelconque. On s’imagine faire mal à un mur… Quel cruel destin pour nos poings que d’appartenir à un maître aussi buté. La drogue fait son effet. On devient de plus en plus adepte des poings. Mais désormais, on est seul, seul avec eux, tout le monde s’enfuyant à notre passage. Troublé, on essaie de trouver des personnes qui sont atteintes du même mal, de cette même malédiction. On reste désormais avec nos semblables mais l’on ne trouvera jamais la tranquillité. On vit dans l'attente de ces instants si précieux, où l'on peut libérer cette haine pour autrui.
Pastiche de Zermatten: La concentrationLe visage d’une intense concentration est penché sur une feuille. Il est fascinant. On perçoit les signes d’une concentration éprouvante mais nécessaire. Ce visage implacable repousse les forces gênantes pour cette concentration, il poursuit un but et rien ne l’arrêtera. Il est digne de respect. Le front est légèrement plissé et baissé, quelque peu soucieux. On sent tout l’acharnement des neurones cachés derrière ce front.
Mais le plus fascinant, ce sont ces yeux : Des yeux d’une immobilité rare. Ces deux brasiers, aux pouvoirs surprenants, sondent ce problème, le mettent à nu. Ils sont fixés et ne bougeront pas avant d’être satisfait du résultat.
Ces lèvres expriment une légère contrariété ; elles se crispent sans cesse, sous l’effet d’une attente non récompensée jusqu'à maintenant. En effet, cet instant arrivera. Une lueur apparaît ; elle était là sans doute, depuis longtemps, nous narguant, mais encore invisible à nos yeux. Un changement s’opère, tel l’hiver cédant sa place au printemps, tel la nuit cédant sa place au jour. Ces yeux, auparavant soucieux, pétillent désormais de malice et de satisfaction. Ces lèvres s’étirent enfin et ce front retrouve sa jeunesse d’antan. Le doute désormais bannit, le contentement s’insinue sur ce visage tel une onde bienfaitrice. C'est maintenant un visage fier.
Poème libre: Le petit voyageurUn paysage unique nous entoure. Certains le compareraient au Paradis, moi je préfère rester plus terre à terre, n’en étant pas moins émerveillé. Des derniers petits nuages, oubliés et perdus dans cette vaste étendue bleue, s’accrochent désespérément aux sommets, avant de nous les dévoiler tout entier à notre vue. Les montagnes nous entourent, majestueuses, immobiles inspirant à quiconque, calme et sérénité. Une légère crainte s'insinue en nous, ne sachant pas si nous devons nous incliner devant elles. On devrait peut-être s'enfuir, mais elles nous paraissent si proches, elles nous attirent, on pourrait presque les toucher. Mais ce serait nous surestimer. Elles ne cessent de nous rappeler combien nous sommes petits et insignifiants. Ces sont les gardiennes de notre histoire : elles étaient là avant nous et elles resteront là bien après. Comme on s'approche de plus en plus, on découvre alors le reste de notre paysage. On aperçoit la perle rare. Rien que pour pouvoir admirer ça, on ferait des folies. Tel l’iris d’un œil mystérieux, le petit lac est là, entouré de montagnes. Elles veulent garder leur secret, le cachant derrière leur imposante présence. Le lac sert à son tour de protection à ses habitants. Il n’a rien à envier de ses gardiennes, tout aussi beau, limpide. Il doit être le reflet du ciel, ou l'inverse. Mais ça ne change rien, c'est de toute façon aussi beau. Tout ce calme est brisé pas les cris d’un oiseau. A notre tour, on brise parfois la tranquillité de quelques bêtes. On sent qu'on ne devrait pas être là, nous sommes des intrus. Alors, après un effort surhumain, on tourne le dos à cette vue grandiose. La conscience remplie de bonheur, exempt de mauvaises pensées, on descend vers ce monde agité pas encore digne de contempler une telle splendeur.